La réforme santé du Président OBAMA

Le projet de loi  signé par le Président Obama le 23 mars 2010 – connu sous le nom formel de « loi Public 111-148 : la loi de la protection du patient et des soins accessibles »   – est la loi la plus vaste et la plus importante en santé aux USA depuis la création de medicare et medicaid (respectivement l’assurance maladie pour les personnes âgées et pour les pauvres) en 1965.

Si tout se passe comme prévu dans la loi, les principaux changements seront les suivants : expansion significative du taux de couverture dans la population américaine de l’assurance santé ; interdiction de nombreuses pratiques des assureurs pour éviter de payer certains coûts de santé des assurés ; imposition de nouvelles taxes de plusieurs milliards €, surtout sur les plus riches ; augmentation de la rémunération des médecins généralistes ; imposition aux restaurateurs (McDonald’s, Dairy Queen…) de fournir le décompte des calories pour chaque plat. Tout ceci devrait contribuer à  ralentir la croissance incessante des dépenses de santé.

Les dispositifs de la loi représentent une imbrication complexe  de 2700 pages de textes de loi que peu de membres du congrès américain ont pu appréhender dans les détails.  Il est possible de regrouper toutes ces dispositions en 4 catégories : extension de la couverture, régulation des assureurs, taxes et autres financements, autres dispositifs.

1/ Extension de la couverture d’assurance santé : le nombre de citoyens Américains sans assurance santé a augmenté régulièrement jusqu’à atteindre 50 millions en 2010. La nouvelle loi devrait permettre selon le congressional budget office  de couvrir 32 millions Américains de plus  d’ici à 2019 (ce qui en laisse encore une vingtaine de millions sans assurance). Cette expansion de la couverture santé se fera à travers Medicaid et les assureurs privés. La moitié viendra d’un assouplissement des qualifications d’accès  à medicaid, le programme gouvernemental d’accès gratuit ou subventionné à la santé pour les familles à faibles revenus. Normalement le coût de medicaid est divisé entre le gouvernement fédéral  et les états ; la loi prévoit que l’extension de la couverture sera entièrement financée par le gouvernement fédéral  sur 5 ans, le gouvernement espérant que les Etats prendront le relai ensuite.  L’autre moitié sera liée à l’accès à des assurances privées pour 16 millions d’Américains grâce à un système de « bourse » d’assurance (insurance exchange).  Ce système permet aux personnes sans assurance santé via leurs employeurs d’aller sur une place de marché sur internet pour acheter une assurance, sachant que chaque acteur doit proposer selon la loi au moins 5 différents niveaux de couverture (bronze, argent, or, platine, catastrophique) pour donner un choix large à l’acheteur.  Des crédits d’impôts sont prévus pour aider les familles à financer leur assurance. Les employeurs de plus de 50 salariés ont dorénavant l’obligation de fournir une assurance à leurs employés et des crédits d’impôts sont proposés aux entreprises de moins de 50 salariés pour les aider à un tel service.

2/ Régulation de l’assurance  santé : c’est un aspect fondamental de la loi qui devrait mettre fin à des pratiques scandaleuses des assureurs pour ne pas payer les frais de santé des assurés en vue de maximiser leurs profits. La nouvelle règle la plus importante s’appelle « l’émission garantie » (« the guaranteed issue »). A partir de 2014, chaque assureur aura l’obligation d’émettre une assurance santé à quiconque, quelque soit sa situation antérieure. Ce changement devrait permettre à 20 millions d’Américains, qui ne peuvent pas  disposer aujourd’hui d’une couverture santé, d’en avoir une. En attendant 2014, les Etats sont supposés étendre leurs programmes d’assurance santé à haut risque pour couvrir ceux qui ne le sont pas. Pour fonctionner, la notion d’émission garantie doit être associée à la notion de mandat  individuel (« individual mandate »), ie la nécessité que chaque individu achète une assurance. Les assureurs ont besoin d’une base large d’assurés pour que la diversité du risque soit suffisamment importante pour assumer financièrement la notion d’émission garantie. Alors que tous les autres pays industrialisés ont intégré ces deux notions depuis longtemps, c’est la première fois que les Etats-Unis les intègrent dans leur législation. La loi est assez fragile –  suite au combat acharné des Conservateurs du congrès – sur la notion de mandat individuel pour la santé car elle n’impose pas de pénalités strictes en cas de non achat d’assurance santé, ce qui se traduira probablement par le choix de nombreux américains à faible risque de ne pas acheter d’assurance santé. De plus,  des conservateurs éminents ont intenté dans plusieurs états  des procès contre le gouvernement fédéral pour démontrer l’aspect inconstitutionnel de la notion de mandat individuel. Si le mandat individuel tombe, le principe d’émission garantie tombera et ce sera le coeur de la loi obamacare qui sera atteint.

Outre ces deux principes fondamentaux, la nouvelle loi interdit la pratique de « résiliation » (« rescission ») qui permet aux assureurs d’accepter de vous couvrir tant que vous êtes en bonne santé et de résilier votre contrat d’assurance ou de changer les modalités du contrat dès que vous devenez malade et demandez le remboursements de soins coûteux. La loi interdit aussi de fixer des plafonds annuels ou à  vie de remboursements, qui se traduisait par des soins impayés alors que les gens étaient encore à l’hôpital.

3/ Taxes et autres financements

La loi obamacare devrait coûter au moins 940 milliards USD les 10 premières années. Pour lever cet argent, le congrès a fixé de nouvelles taxes sur les grands vainqueurs du système de santé américain : les laboratoires pharmaceutiques, les fabricants de matériel médical et les compagnies d’assurance. Une taxe sur les salons de bronzage a été créée, du fait que ces salons augmenteraient les dépenses de santé en provoquant des cancers de la peau. A partir de 2013, la taxe medicare pour ceux qui gagnent plus de 200 000 USD par an passera de 2.9% à 3.8% du salaire d’une part et sera appliqué aussi bien aux revenus du travail qu’aux revenus du capital de ces personnes d’autre part. Avant, les revenus du capital ne contribuaient pas à la taxe medicare. D’autres sources de financement viendront de pénalités attribuées aux particuliers qui refusent de s’assurer et aux employeurs qui n’aident pas leurs salariés à s’assurer. Des subventions à certains plans d’assurance sont réduites et la loi prévoit des économies sur la lutte contre le gaspillage et la fraude.

4/ Les autres mesures

La loi prévoit des subventions pour les séniors qui ne peuvent pas payer leurs médicaments avec medicare. Elle exige des restaurants et distributeurs automatiques d’afficher le décompte des calories de chaque nourriture. Pour encourager les étudiants à aller vers la médecine générale, la loi va les aider à rembourser leurs emprunts contractés pour payer leurs études de médecine et va augmenter sensiblement la rémunération des actes de médecine générale par medicaid. Une nouvelle agence fédérale est créée dans la loi, le comité de conseil des remboursements indépendant, qui recommandera les tarifs de remboursement de medicare aux hôpitaux et aux médecins.

Cette vaste loi est un accomplissement phénoménal de la présidence Obama. Elle va étendre la couverture santé à des millions d’Américains et réduire les pratiques honteuses de certains assureurs privés américains. IL est important d’analyser ce qu’elle ne fait pas. Elle ne simplifie pas l’empilement astronomique de couches de système de paiement qui se chevauchent ce qui augmente de quelques centaines de milliards USD le coût de la santé aux USA. Elle ne donne pas aux Etats-Unis la couverture universelle à un prix raisonnable, accomplissement réussi par l’ensemble des pays industrialisés. Avec cette loi, le système de santé américain restera le système de santé le plus compliqué, le plus cher et le plus injuste socialement des grands pays développés.

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard, est un économiste spécialiste des questions de protection sociale et de santé. Il est professeur d'économie affilié à l'ESCP Europe et enseigne aussi à Paris Dauphine. Il est Président fondateur de l'Institut Santé.

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