ITW du 3 mai par Frédéric Taddeï (à partir de 15mn)
La semaine prochaine va probablement être un pas de plus vers l’arrivée d’un régime populiste à tendance illibérale en France.
Ce matin, dans mon interview avec Frederic Taddeï, je n’ai fait que rappeler quelques vérités simples, qui devraient rassembler au-delà des sensibilités politiques. En voici trois essentielles :
- Les déserts médicaux ne sont qu’un symptôme parmi d’autres de la crise systémique que traverse la santé en France. Donc, tenter de les « résoudre » isolément revient soit à ne rien changer, soit à les aggraver. Qui peut encore ignorer que la crise touche tout autant l’hôpital, les Ehpad, que la médecine de ville, sans parler de l’industrie.
- Les jeunes médecins n’ont pas un dû envers l’État à la fin de leurs dix à douze années d’études : ils « remboursent » déjà pendant leur formation, en travaillant dans des conditions financières et psychologiques souvent proches de l’exploitation (ici, même l’humanité le dit), sans parler que 94% des étudiants en médecine sont victimes de violences de toute nature, conduisant à un état de santé mental des étudiants très dégradé.
- Les médecins, en tant que profession disposant d’ un monopole d’exercice, disposent de plusieurs voies de contournement possibles d’une contrainte administrative qu’ils jugent injuste. Il suffit de regarder l’effet délétère de l’hyper administration à l’hôpital : près de 15 000 médecins de la fonction publique hospitalière se tournent vers l’intérim, plombant la capacité des hôpitaux à remplir leur mission; sans parler des milliers de médecins formés qui vont ailleurs que dans le soin (et que cette politique ne fera qu’accentuer).
Et pourtant, la semaine prochaine, un bataillon entier de députés LFI s’apprête à voter comme un seul homme la coercition administrative à l’installation en ville. C’est compatible avec leur vision dogmatique radical : anti-système, anti-libéral et anti-médecin (un pouvoir dans la société à abattre). Ils ont leur cohérence.
LFI & ses semblables parleront probablement après le vote d’un jour « historique », une forme de liesse surgira, des larmes seront versées !
Mais ce vote sera aussi soutenu par un attelage hétéroclite provenant du PS, des partis centristes et de LR : certains pour des raisons communes à LFI, d’autres pour dire qu’ils ont agi, même si l’action est inefficace (le fameux principe de responsabilité, détourné de son sens).
La suite est largement prévisible : une majorité d’étudiant(e)s en médecine, de jeunes médecins (et moins jeunes), se sentiront maltraités par ce Parlement. Ils se tourneront alors vers les forces politiques non impliquées dans cette décision, s’en feront les porte-voix auprès de leur patients – 2 millions de patients vus par jour.
Alors, la classe politico-médiatique – aujourd’hui au pouvoir – s’indignera face à la montée d’un populisme.
Elle criera au retour du fascisme, au danger d’un régime illibéral qui remettra en cause les fondements de notre République.
Qu’elle sache une chose : elle aura largement contribué à ce saut dans le vide. Il est temps, avant qu’il ne soit trop tard, de regarder les jours à venir avec lucidité et recul.
p.s : que cette classe politico-médiatique ne se rassure pas en disant qu’elle n’a pas le choix. Aussi bien pour la réforme globale du système, que pour la lutte contre les déserts médicaux, les projets consensuels et adaptés existent et sont prêts à l’emploi !
Bravo !