Convention médicale 2016: un acte manqué !

Le périmètre de la négociation conventionnelle ne permettait certes pas d’entreprendre l’indispensable restructuration de notre système de santé. Cependant, par son orientation stratégique et ses innovations, la nouvelle convention médicale, signée le 25 août 2016, aurait pu marquer un changement de cap et lancer un signal d’une nouvelle ère pour les médecins libéraux. En cela, c’est un acte manqué! Elle est sans souffle et ne répond pas aux défis à relever par  la médecine libérale.

L’évolution des modes de paiement des médecins libéraux avait plusieurs objectifs dont la rémunération des actes au juste prix (pour financer notamment l’innovation technologique, grande absente de cette convention), le financement de nouvelles missions de coordination des parcours de soins et de maintien en bonne santé et la maîtrise des dépenses publiques (en incitant à la qualité plutôt qu’au volume). Cette convention a saupoudré les nouvelles ressources financières pour faire vivre l’ancien système, un modèle usé car inadapté au nouveau monde. Sans promouvoir une révolution brutale, cette convention se devait de préparer l’avenir en favorisant de nouvelles pratiques et modes d’exercice.

Au lieu de cela, elle consolide un dispositif existant de primes et de subventions dans un système de plus en plus étatisé, mais en réalité de plus en plus marchandisé. Une ROSP relookée toujours aussi marchandisante (avec des primes de Noël pour des tâches élémentaires de soignant), un forfait structure qui revient à une logique de ROSP étendue à la structure, une maîtrise tarifaire rebaptisée (OPTAM) qui substitue la subvention (paiement de cotisations sociales) au paiement au juste tarif de l’acte.

Rappelons que le modèle économique d’une médecine libérale efficiente suppose le financement des charges de l’exercice par les seuls honoraires et une transparence des prix pour les usagers. Cette convention nous en éloigne un peu plus.

Il est assez stupéfiant de constater que le C n’ait pas été revalorisé et reste à 23 euros pour la consultation de référence. Au lieu de l’indexer sur l’inflation pour ne plus en faire le point dur des futures négociations (et de se consacrer sur l’essentiel), il n’a pas été modifié pour mieux pénaliser le secteur 2. Choisir un forfait de majoration (MMG à 2 euros) plutôt que la revalorisation du C est symbolique de l’obsession de cette administration à nuire à la liberté tarifaire, qui a sauvé la médecine libérale et permis l’accès à l’innovation médicale pour tous les Français. Cette mesure absurde et dogmatique est destructrice pour la confiance des médecins libéraux dans leur avenir, condition essentielle pour redynamiser la médecine libérale et les installations. Mais les pouvoirs publics la veulent-ils-vraiment cette redynamisation? Concernant les deux nouveaux tarifs de consultation*, la démarche va dans la bonne direction même si elle trop timorée pour changer les comportements et envoyer des signaux forts.

Le forfait patientèle principal à 5 euros ne risque pas d’inciter les médecins à prendre en charge le maintien en bonne santé de leur patientèle, axe stratégique de tout système de santé au XXIème siècle. Quant à la coordination des parcours de soins, elle serait étonnamment réservée aux patients de plus de 80 ans, sans considération du type d’ALD et sans cahier des charges pour le médecin coordinateur.

Cette nouvelle convention prolonge ainsi un système de rémunération pensé dans un monde révolu. Elle nuit à la responsabilisation des patients en masquant la réalité des tarifs et rend le système encore plus illisible. Elle creuse davantage l’écart entre l’activité réelle et la rémunération des médecins, en contradiction avec les principes de la médecine libérale.

Fallait-il signer cette nouvelle convention? Deux logiques respectables se sont affrontées, l’une pragmatique (prendre les fonds sur la table), l’autre politique (marquer son opposition). La signer ne donne pas forcément quitus à la politique actuelle, la rejeter n’est pas non plus une assurance de meilleure fortune avec une future majorité aux engagements incertains. Tout reste donc à faire !

 

Frédéric Bizard

*Consultations complexes à 46€ et consultations très complexes à 60€

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard, est un économiste spécialiste des questions de protection sociale et de santé. Il est professeur d'économie affilié à l'ESCP Europe et enseigne aussi à Paris Dauphine. Il est Président fondateur de l'Institut Santé.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Previous Story

Protection Sociale: pour un nouveau modèle

Next Story

Pourquoi une refondation du financement de la santé s’impose en 2017 !

Latest from le blog santé