Frédéric Bizard

PLFSS 2026: un moment intéressant, inquiétant et éclairant en vue des élections 2027 – Itw France Info – 5/12/2025

Interview de Frederic Bizard le 5/12/2025 sur France Info

 

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L’Assemblée nationale a adopté le 5 décembre 2025 le volet « recettes » du PLFSS 2026 ; première haie franchie par le Premier Ministre dans la course d’obstacles qui doit mener au vote définitif.

Un compromis minimal a été trouvé autour de deux mesures principales :

La suite de l’examen, avant un vote définitif la semaine du 8 décembre, va  porter sur les dépenses, avec  des sujets politiquement les plus inflammables: suspension de la réforme des retraites, franchises médicales et année blanche sur les prestations sociales.

Même si le Premier ministre acceptait de reculer sur les deux derniers points, les chances de faire adopter le PLFSS 2026 apparaissent faibles.

Les raisons de ce blocage se comprennent à la lumière d’un concept bien connu d’économie politique : la théorie des jeux, et plus précisément le dilemme du prisonnier.

Cette séquence politique est à la fois intéressante, inquiétante et éclairante en vue de l’échéance de 2027.

 

Un dilemme du prisonnier à résoudre

Le Premier ministre s’efforce de faire coopérer des acteurs politiques qui, dans la vie parlementaire française, n’en ont ni l’habitude ni vraiment l’intérêt à l’approche de scrutins majeurs.

Le dilemme du prisonnier, formulé par Tucker en 1950, éclaire bien cette situation. Deux prisonniers, interrogés séparément, peuvent coopérer en gardant le silence, ce qui leur vaut une peine réduite (6 mois), ou se dénoncer mutuellement : si un seul trahit, il est libéré et l’autre écope de 10 ans ; si les deux trahissent, chacun reçoit 5 ans. La logique individuelle pousse à trahir, même si la solution collective optimale serait la coopération.

Sans majorité parlementaire, le Premier ministre doit donc créer des conditions incitatives suffisantes pour que plusieurs groupes politiques trouvent intérêt à coopérer pour faire adopter le texte. Or la rationalité individuelle de la plupart des groupes conduit logiquement à ne pas voter ce PLFSS.

Le choix du Premier ministre de renoncer au 49.3 et d’accepter immédiatement l’exigence centrale du Parti socialiste (la suspension de la réforme des retraites), sans contrepartie négociée avec les autres groupes opposés à cette mesure, a affaibli la possibilité d’un compromis global.

Les conditions d’un jeu coopératif n’ont probablement pas été réunies, ce qui explique la faible probabilité d’adoption du PLFSS 2026.

Un moment intéressant de Parlementarisme

Ce débat n’en constitue pas moins un moment intéressant de revitalisation du débat parlementaire transpartisan. Le vote favorable sur le volet « recettes » – notamment l’accord sur la CSG – montre qu’un compromis peut émerger entre des partis allant des écologistes à LR.

Mais cette dynamique a peu de chances de durer jusqu’à la fin de l’examen. Les conditions de coopération n’étaient pas posées dès le départ : la présentation d’un projet de loi très imparfait, officiellement ouvert, mais en réalité limité à des mesures d’ajustement paramétriques de court terme, laissait peu d’espace à un véritable compromis politique durable.

Une situation financière à haut risque pour la sécurité sociale

Même si le projet de loi était adopté avec de nouvelles concessions sur les franchises médicales ou l’année blanche, le déficit de la Sécurité sociale en 2026 – et pour les trois années suivantes – resterait supérieur à 20 milliards d’euros.

En l’absence de budget voté, le déficit théorique atteindrait 28,7 milliards d’euros, même s’il pourrait être partiellement réduit par des décisions réglementaires.

Quelle que soit l’issue, la viabilité financière de la Sécurité sociale demeure fortement menacée, comme l’a récemment souligné la Cour des comptes.

C’est donc bien la pérennité de notre modèle social qui est en jeu : sa capacité à protéger l’ensemble de la population contre les principaux risques sociaux, de manière solidaire, égalitaire, efficace et soutenable. Un modèle social performant est structurellement équilibré financièrement.

Une conséquence éclairante en vue de sélections de 2027

Cette ébauche de débat parlementaire ouvert, combinée à une menace financière imminente, envoie un signal politique fort à l’approche de la présidentielle de 2027.

Tout candidat sérieux devra inscrire la rénovation de notre modèle social – passant par la restructuration du système de santé, des retraites et de la prise en charge de l’autonomie – parmi les priorités absolues de son programme.

Chaque citoyen disposera ainsi d’un critère clair de pré-sélection des candidats : l’évaluation de cette partie essentielle de leur projet.

La solution du moment pour notre dilemme du prisonnier

À court terme, la sortie de crise ne peut venir de simples ajustements techniques visant à réduire les déficits : ils ferment la porte à tout compromis suffisamment large. Une autre voie aurait consisté pour le Premier ministre à proposer un véritable projet politique susceptible de créer un consensus.

Par exemple :

Cet exemple illustre qu’un dilemme du prisonnier ne peut être dépassé que si un nombre suffisant de groupes parlementaires peut légitimement affirmer à ses électeurs que leur coopération a servi l’intérêt général sans contredire leur intérêt politique propre.

En bref, sortir de la cuisine politicienne comptable, dans laquelle le citoyen ne peut y reconnaître son intérêt.

 

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