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La révolution des centres ambulatoires universitaires !

« Ce qui a été fait pour la médecine par la création des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et la réorganisation des études médicales représente une véritable révolution », cette parole de Georges Pompidou devenu Président rappelle la grande avancée permise par les ordonnances Debré de 1958. Le CHU, avec ses trois missions de soins, d’enseignement et de recherche a révolutionné la médecine française et est devenu le centre de gravité de notre système de santé. Le virage ambulatoire qui s’impose à tous les systèmes de santé des pays avancés nous oblige à repenser cette organisation hospitalo-centrée.

Un changement de paradigme médical qui impose une évolution des structures

Avec la triple transition démographique, épidémiologique et technologique en cours, le schéma hospitalo-centré est de plus en plus déconnecté des réalités médicales et technologiques. Plus de 80% des cas cliniques peuvent se traiter aujourd’hui en dehors de l’hôpital.

L’enseignement et la recherche ne sont plus en phase avec la réalité des prévalences sanitaires dominées par les pathologies chroniques. Fort de ce constat largement partagé, la réforme apparaît vertigineuse à beaucoup tant l’hôpital est devenu un totem intouchable. Il suffit de constater le contenu de la loi santé de 2015 avec l’instauration des Groupes hospitaliers de territoire (GHT), qui reviennent à organiser l’offre de soins autour du monde hospitalier, pour lequel un étage administratif supplémentaire est ajouté.

Le virage ambulatoire ne sera réellement pris que si on étend les prérogatives hospitalières en enseignement et en recherche à des structures ambulatoires de ville et de campagne, labélisés « centres ambulatoires universitaires (CAU) ». Il faut inscrire dans la loi que ce sont des lieux de soins, de recherche et d’enseignement universitaire. Ces CAU seraient constitués de structures existantes (cabinets médicaux, maisons de santé…) labélisées CAU par les agences régionales de santé selon un cahier des charges de fonctionnement, d’organisation et d’évaluation défini par des experts et les pouvoirs publics. L’exercice libéral y restera prédominant mais des praticiens hospitaliers pourront y exercer pour les activités de recherche et d’enseignement. Un système de conventionnement sera établi entre le CAU, l’université et le CHU afin d’organiser la participation du CAU aux activités d’enseignement et de recherche.

Le CAU facilitera la transformation indispensable de la culture et des pratiques médicales

L’inscription dans la loi des CAU est un levier pour faire basculer l’ensemble de notre système vers un modèle ambulatoire et restructurer le CHU et l’exercice libéral.

En premier lieu, la reconnaissance universitaire de structures ambulatoires permettra le transfert de la formation pratique en médecine générale, et pour d’autres spécialités médicales à terme, essentiellement vers l’ambulatoire. Ce nouveau centre de gravité pour la formation clinique universitaire et post-universitaire va revaloriser les spécialités non hospitalières, en particulier la médecine générale, et remettre en adéquation la formation avec la réalité clinique. Comme en 1958 pour le CHU, le CAU s’accompagnera d’une refondation indispensable des études médicales pour les adapter au nouveau monde.

Ensuite, les CAU vont inciter à la réforme des structures ambulatoires vers le regroupement des professionnels et la multidisciplinarité, afin de mieux coordonner le suivi des patients chroniques. Rappelons que deux tiers des dépenses publiques sont générés par les patients chroniques, ce sera 80% en 2025. La pierre d’achoppement de cette évolution structurelle est souvent économique, du fait de la hausse des charges fixes des grosses structures. Une partie du financement des missions de service public dédiée à la recherche et à l’enseignement sera redirigée vers les CAU, ce qui renforcera le modèle économique. L’extension de la formation clinique en ambulatoire et l’instauration d’une activité de recherche nécessiteront une réflexion sur l’évolution des postes et statuts universitaires pour les CAU.

Si le virage ambulatoire est la première raison de la création des CAU, ces derniers seront une arme efficace contre la désertification médicale (en particulier en médecine générale). La formation prédominante dans les grandes villes de CHU des futurs médecins généralistes est un frein à leur installation ultérieure dans les petites villes et à la campagne. Une répartition homogène des CAU sur l’ensemble du territoire facilitera l’installation en libéral des jeunes médecins qui auront tissé un réseau social dans les territoires au cours de leur internat et auront appris à mieux les apprécier. La réticence à l’installation en libéral liée à la méconnaissance de cet exercice chez les jeunes médecins sera atténuée grâce au CAU.

Enfin, les CAU seront des passerelles reconnues et établies entre l’hôpital et la ville. En cela, ils ne constituent pas un affaiblissement des CHU mais une évolution du modèle. Construit sur un modèle intra-muros, le modèle CHU évoluera vers un modèle de services extra-muros, s’appuyant sur les innovations technologiques. Le CHU exercera une forme de tutelle sur les programmes d’enseignement et de recherche réalisés en CAU. Plutôt que se perdre dans la gestion administrative des GHT, le CHU se recentrera sur son cœur de mission, l’excellence en soins, en enseignement et en recherche.

Notre proposition (1) a déjà reçu un certain écho auprès de la droite puisque la création des CAU a été incluse dans le programme du parti des Républicains pour 2017 et de certains candidats à la Primaire. Cependant, le Centre Ambulatoire Universitaire n’est pas une idée de droite ou de gauche mais une solution pour faire revivre le modèle français de santé qui a été une référence mondiale en réussissant le défi de coupler accessibilité et excellence médicale pour tous.

Le CHU et la médecine libérale ont largement contribué à ce succès au XXème siècle. Mais, ni le CHU ni l’exercice libéral n’ont opéré la transformation de leur modèle pour répondre aux nouveaux défis. Le CAU va leur permettre de le faire. Il va transformer à la fois l’enseignement, les structures et la culture médicale dans notre pays. C’est en cela une révolution. En effet, Victor Hugo évoquait à juste titre que « les révolutions sortent, non d’un accident, mais de la nécessité ».

Frédéric Bizard

 (1) Proposition 4 dans notre livre « Politique de santé : réussir le changement », Dunod, p29-32, Septembre 2015

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