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Pour un Airbus de l’ARN messager en France !

L’Institut Santé propose à l’Etat français de créer un « Airbus de la recherche et de la production d’ARN messager » pour faire face aux besoins de la lutte anti-Covid19 et faire de la France un acteur majeur des biotechnologies.

 

Alors que la vague de lancements des premiers vaccins anti-Covid bat son plein et laisse espérer une sortie progressive de l’épidémie en 2021, les nouveaux variants du Covid-19 changent la donne. La première conséquence de l’émergence de ces variants est le maintien d’un nombre élevé de cas en Europe et la nécessité de renforcer les mesures anti-Covid à cause du variant anglais (VOC 202012/01) qui aurait une capacité de transmission supérieur à 50% par rapport à la souche d’origine. Il pourrait atteindre 64% des cas infectés au 1er Mars (1). La deuxième conséquence est bien plus inquiétante. La mutation E484K découverte sur les souches sud-africaine et brésilienne (déjà présente en France pour la première) pourrait entrainer un échappement à la réponse immunitaire naturelle ou post-vaccinale (2).

L’épée de Damoclès des variants

La probabilité que ces mutations rendent caduques dans les prochains mois les effets protecteurs de la campagne vaccinale en cours (avec la première génération de vaccins) s’inscrit maintenant dans le champ des probables. Ces mutations représentent ainsi une vraie épée de Damoclès sur le risque de résurgence de nouvelles vagues de Covid19. Cette nouvelle situation exige donc une recherche de solutions appropriées et proportionnées à la gravité de la menace. Sachant que certains vaccins sur le marché et en développement ne répondront pas efficacement à ces mutations, l’espoir de disposer d’une production massive de doses en s’appuyant sur plusieurs industriels s’amenuise.  Or, ces mutations disséminées à différents endroits du globe démontrent la nécessité impérieuse de vacciner dans tous les pays.

L’impact de ces variants sur la stratégie industrielle de vaccination est majeur. Le développement de nouveaux vaccins multivalents (la deuxième génération vaccinale anti-covid) s’imposera pour contrôler les variants émergents. Si le développement de vaccins universels reste un objectif à viser, un chemin plus rapide (quelques mois) vers des vaccins multivalents est envisageable. Or, la plateforme vaccinale la plus appropriée pour emprunter ce chemin est incontestablement celle de l’ARN messager. La perspective d’une production massive de vaccins multivalents à base d’ARNm change aussi la donne sur le plan industriel et nécessite de combler les failles structurelles actuelles.

 

Un projet à trois objectifs

D’abord, il s’agit d’être capable de produire en quantité suffisante et dans un temps minimum de l’ARN messager afin de répondre à une possible demande mondiale de production de vaccins à ARNm multivalents. La perspective d’une forte expansion des virus mutants à l’international dans les prochains mois, qui échappent aux réactions immunitaires naturelles et vaccinales, conduit à viser une telle production pour l’automne prochain au plus tard.

Ensuite, il faut faire des vaccins multivalents à ARNm des biens publics accessibles à l’ensemble des pays de la planète. Outre le modèle économique, les progrès technologiques permettant de faciliter la conservation (à température ambiante) et l’administration des produits (sans aiguille, monodose) sont aussi à mener à leur terme grâce à une recherche appropriée.

Enfin, il s’agit de doter la France du vaisseau amiral de recherche et de production de biotechnologies à court terme qui lui fait défait actuellement pour être compétitif dans ce secteur stratégique.  Outre la lutte contre les épidémies, l’ARN messager dispose d’un vaste champ de potentialités thérapeutiques et préventive dans certains cancers, maladies cardio-vasculaires et de nombreuses maladies émergentes. Il va devenir une nouvelle aire thérapeutique dans l’arsenal pharmaceutique.

 

Pour un Airbus de la recherche et de la production d’ARN messager en France

Sur le modèle des hôtels d’entreprises dédiés aux biotechnologies, nous proposons à l’Etat français de bâtir un hôtel de production et de recherche en France sur l’ARN messager, capable de répondre dans un premier temps à une demande mondiale de vaccins multivalents à ARNm. Un projet similaire dans un autre pays européen pourrait aussi être lancé pour garantir les capacités de livraison des vaccins multivalents à ARN.

Trois activités distinctes de production seraient envisageables dans l’hôtel :

S’appuyant sur un partenariat public-privé, l’Etat français et l’Union européenne seraient partie prenante du projet. S’appuyant sur un partenariat public-privé, l’Etat français et l’Union européenne seraient partie prenante du projet. Il serait dirigé par un comité exécutif doté des compétences industrielles et scientifiques sur l’ARN, qui piloterait un consortium d’industriels de la biotechnologie et de la pharmacie disposés à s’engager dans cette initiative.

Pour l’expertise dans la recherche et le développement de vaccins multivalent à ARN, une société de biotechnologie comme Phylex biosciences remplit les critères. Pour le process de fabrication, une société type CMO (contract manufacturing organisation) avec une expérience dans la production d’ARN comme Lonza, a les compétences. Pour la maitrise industrielle globale, Sanofi dispose des ressources nécessaires en France.

Le modèle économique de cette entité industrielle pourrait être basé sur les revenus de la production (facturée à prix coûtants + une marge fixe) et ceux de la location des suites indépendantes. Un contrat de consortium pourrait lier juridiquement les différents partenaires dans un premier temps avant de constituer une société ensuite.

Ce futur leader européen de la recherche et production d’ARNm serait le cœur d’un écosystème de recherche, de développement et de production de biotechnologie qui manque aujourd’hui à la France. La plateforme ARNm disposant de grandes potentialités dans plusieurs aires thérapeutiques, ce projet s’inscrirait sur le long terme et servirait de vaisseau amiral pour la production des biotechnologies en France. Il ne peut donc être que gagnant pour la France, quelle que soit l’évolution de la pandémie.

Enfin, à titre purement indicatif, le délai envisageable pour la construction de cet hôtel est de 6 mois pour un montant d’investissement de l’ordre de 300 millions d’euros soit un délai et des coûts compatibles avec les enjeux de la crise et à la portée de la France.

 

(1)Avis du Conseil scientifique covid-19 du 12/01/2021, ici

(2)Prouvée dans une étude préliminaire publiée le 4/01/2021 sur le serveur bioRXiv, et une étude italienne de Rino Rappuoli

 

Tribune publiée dans Les Echos le 25 janvier 2021

Voir le communiqué de presse de l’Institut Santé

 

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