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Alerte à l’étatisation de notre système de santé!

Création d’un tribunal administratif pour sanctionner en direct les médecins libéraux, suppression arbitraire d’autorisations administratives de cliniques, création de postes de médecins salariés en ville, incitation à multiplier la création de centre de santé de soins primaires contrôlés par l’administration… Les signes se multiplient depuis quelques mois en faveur d’une accélération de l’étatisation de notre système de santé.  Cette évolution n’est pas nouvelle mais notre Ministre de la santé actuelle fait preuve d’un zèle marqué en la matière, ce qui représente une aubaine pour une administration publique qui rêve depuis des années de mettre sous son contrôle l’intégralité de notre système de santé. Cette étatisation du système, comme l’ont montré de façon éloquente les expériences étrangères, va conduire inéxorablement à une pénurie de l’offre de soins et à la constitution de files d’attente.

Une étatisation en marche depuis plus de 15 ans…

Après deux décennies de maîtrise des comptes de santé par des hausses de recettes (cotisations, franchises), le Plan Juppé de 1996 marque le tournant vers une maîtrise comptable des dépenses de santé. La mise en place d’une telle politique nécessitant un contrôle renforcé des pouvoirs publics sur l’offre de soins, on assiste depuis cette période à un tour de vis étatique supplémentaire à chaque réforme. La réforme de 2004 a instauré la notion de « médecin traitant »  qui n’est pas sans rappeler celle de « gate keeper » (médecin généraliste payé par l’Etat et gardien du système) du NHS (National Health Service) anglais. La réforme Bachelot de 2009 a renforcé le pouvoir de contrôle public en créant des agences régionales de santé dont les directeurs agissent comme de véritables préfets sanitaires à la botte de l’Etat et de l’administration.  Les six derniers mois ont fait l’objet d’une campagne très virulente contre les médecins libéraux et le secteur privé hospitalier qui se matérialise par une action concertée de l’Etat et de l’administration pour réduire leur marge de manœuvre au nom d’un simulacre d’égalité. La dernière idée de la Ministre pour lutter contre les déserts médicaux, garantir au jeune médecin qui s’instellerait en libéral dans une zone sous-dotée un salaire (55 000€) inférieur de 23% au salaire moyen d’un généraliste (71 000€), est d’ailleurs édifiante.  Suite à l’échec déjà prévue d’une telle mesure, on prépare l’installation de médecins salariés du public  qui n’auront ni le choix du salaire ni celui du lieu d’exercice (on imagine  leur motivation).  De la même façon que nous avons réussi l’exploit en une génération de dévaloriser la fonction d’enseignant, d’engendrer une crise des vocations dans l’enseignement et de dégrader la qualité de notre système éducatif, la génération actuelle de leaders politiques est en train de réaliser exactement la même chose avec notre système de santé.

… qui conduit inéxorablement vers la pénurie d’offre de soins et la création de files d’attente pour l’accès aux soins

La mise sous tutelle de la médecine libérale, renforcée par l’avenant 8 signée en octobre dernier, amène à rigidifier notre système de santé et à créer une pénurie d’offre. En supprimant la liberté tarifaire des médecins (on ne restreint pas une liberté sans la supprimer), on va accentuer  la création des déserts médicaux. Le corollaire de la liberté tarifaire  est la liberté d’installation des médecins, l’une ne pouvant vivre sans l’autre. Les zones sous-dotées en médecins sont principalement des zones sans liberté tarifaire (médecins de secteur 1) alors que les facteurs locaux non monétaires – tels que le nombre de kilomètres à parcourir, la difficulté de trouver du travail pour les conjoints dans les campagnes et l’insécurité dans certaines banlieux – justifieraient des tarifs plus élevés. La suppression de la liberté d’installation, dont rêvent plus ou moins secrètement nos dirigeants et qui sera la prochaine étape de l’étatisation,  finira de décourager les nouvelles vocations et supprimera la concurrence dans les zones sur-dotées. Liberté d’installation et liberté tarifaire font partie des piliers de notre médecine libérale, cette dernière ayant apporté, avec une offre hospitalière publique et privée concurrente et complémentaire,  le meilleur système de santé au monde à la fin du XXème siècle en matière de liberté de choix pour les patients et d’accès pour tous à une médecine de qualité (classement de l’OMS de 2000).  L’autre corollaire de l’étatisation du système est la constitution de files d’attente pour gérer les besoins de santé. La pénurie institutionnalisée de l’offre et l’absence de concurrence entre les prestataires de soins  conduisent naturellement vers des listes d’attente pour l’accès aux soins comme l’ont démontré nombre de pays étrangers.

Les expériences étrangères sont éloquentes sur ce qui nous attend

Les systèmes étatisés anglais et canadiens démontrent les effets pervers d’un tel système. Plus de 150 000 Anglais attendent plus de huit semaines avant d’être admis à l’hôpital; certains patients se voient refusés en Angleterre l’accès à certains médicaments, notamment contre le cancer, car jugés trop chers par l’administration. Au Canada,  les files d’attente se sont généralisées et les délais pour obtenir un traitement ont plus que doublé en quinze ans. La Cour suprême du Canada a reconnu dans un arrêt historique de 2005 que des patients meurent « en raison de listes d’attente pour des  prestations de soins de santé publics ».

La Suède ne s’est jamais remise de l’étatisation quasi complète de son système de santé dans les années 80. Les patients n’avaient plus aucune liberté de choix et étaient assignés au centre de santé et à l’hôpital local. De 1980 à 1990, l’accès aux soins s’est considérablement dégradé au point que les listes d’attente étaient devenues un enjeu politique majeur. Tirant les leçons de cette aventure étatique et malgré la crise financière de 1990, les Suédois ont changé de cap en séparant les fonctions d’acheteurs et de fournisseurs de soins et en mettant en concurrence les prestataires de soins publics et privés pour les soins primaires comme pour les soins hospitaliers. Ces mesures ont eu un impact immédiat avec une hausse de 16% de la productivité entre 1991 et 1993 et une baisse de 30% des files d’attente sur une année.

On préfère tuer le modèle français plutôt que le rénover

La crise économique et sociale traversée par notre système de santé depuis au moins une décennie exige une rénovation profonde de son organisation afin de l’adapter aux nouveaux enjeux du XXIème siècle. Plutôt que d’engager cette rénovation,  le pouvoir politique dans son ensemble a fait le choix de laisser tomber notre système de santé– sécurité sociale, liberté de choix des patients, offre hospitalière publique et privée – pour le remplacer par un système étatisé inadapté à notre culture. Outre la dégradation de la qualité du système de santé que nous laisserons à nos enfants, il est stupéfiant que cette évolution sociétale majeure se passe sans débat ni choix démocratique. Abraham Lincoln définissait la démocratie « comme le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Nous en sommes bien loin en matière de politique de santé en France.

 

Frédéric Bizard

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